Stop standing there. ~ Mahiwaga Prinsesa.

Il les avait suivit. Inconsciemment, toujours prudent, mais guidé par leur douce lumière attirante, il avait voulu suivre ces étranges lumières qui semblaient flotter dans les montagnes. La nuit était tombée il y avait déjà quelques heures, et les lumières étaient alors apparues, comme des étoiles tout droit tombées des cieux. L'étalon noir, fasciné, avait de suite décidé de les suivre, de les chercher, de percer le mystère qui les entourait. Il trottinait, avec son allure si singulière, contournant les rochers qu'il sentait avant de les voir. Ses yeux ne lâchaient plus la luminescence en face de la montagne où il se trouvait. Il secoua sa longue et épaisse crinière d'ébène, et accéléra l'allure, gracieux, agile, et naturel.

Elle trottait joyeusement, balançant ses crins sombres, fourrant ses naseaux dans chaque recoin. La nuit était tombée depuis quelques temps déjà, répandant son voile de noirceur sur le monde. La pouliche, ralentit l'allure, regarda le ciel, inspira longuement, ses pupilles fixées sur les étoiles qui brillaient de leur faible lueur. Il faudrait peut-être qu'elle rentre, qu'elle rejoigne son père. Elle n'avait pas vu le temps filer depuis qu'elle avait passé cette étrange Arche, il y a quelques heures déjà. Elle se demandait si son amie avait déjà appelé son père pour partir à sa recherche. La petite baie émit un soupir. De toute façon, elle était complètement paumée ici, alors autant continuer à marcher et découvrir les mille et unes merveilles dont regorgeait Hellaë. Mahiwaga Prinsesa détourna son regard sur les petites lanternes au loin et reprit le trot afin de les atteindre. Cela la frustrait vraiment, de ne pas parvenir à arriver à hauteur de ces lumières étranges. Dans sa course, elle se cogna soudainement contre ce qui devait être un étalon. Sous le choc, la petiote recula de quelques pas puis releva les yeux pour apercevoir une silhouette qui lui était familière. Elle resta là, immobile, à la fixer. Était-ce vraiment... lui ? Impossible... Elle le pensait mort, dévoré par des loups... Elle fronça les sourcils, définitivement perturbée.

Il poursuivait toujours les lanternes. Enfin, il ne savait pas que c'était des lanternes, il les prenait plutôt pour des étoiles tombées du ciel. Il s'arrêta, soufflant doucement, pour observer ces lumières qui semblaient lui échapper à chaque fois. Quand soudain, quelque chose le frappa dans le dos. Surpris, il bondit sur le côté, aux aguets. Il fut surpris de découvrir une pouliche, un peu étourdie et distraite sans doute, qui venait de lui foncer dedans. Elle leva la tête vers lui et soudain, il se souvint. Il revoyait ce regard, il s'en souvenait. Ce regard, qui était alors envahi par la peur et le besoin de fuir, de sauver sa vie comme elle le pouvait, galopant de toutes jambes, prête à tout pour sauver sa peau, poursuivie par une meute déloyale qui l'avait prise pour proie. Était-ce réellement possible... ? Qu'ici, en ces terres si étranges, il la recroise une nouvelle fois ? Non, ce ne devait pas être elle. Mais pourtant, quand il plongea son regard sombre mais chaud et doux dans celui de la pouliche, il y lu une incompréhension douteuse. Elle doutait, elle aussi. S'ils étaient deux à douter, c'est qu'il n'y avait aucune raison de douter. Il l'observa encore un peu. « Ça va, tu n'as rien ? » Il secoua ses longs crins noirs. Ce n'est pas lui qui allait être blessé par une pouliche. Il s'inquiétait plutôt pour elle, même si elle avait l'air d'aller relativement bien. Il la détailla. Puis finalement, demanda : « Serait-ce possible... ? »

Ce regard, cette silhouette. Elle en était quasiment sûre qu'il s'agissait de lui. A moins qu'elle n'ait une hallucination ? Après tout, ici, tout était possible... Mais non, puisqu'elle se l'était pris en pleine face. Il y avait donc eu contact, ainsi, ce n'était pas qu'une simple illusion oculaire. « Je... Je n'ai rien, tout va bien. Merci. » Elle lui sourit légèrement, tout en le défigurant. Bon, de toute façon, il n'y avait qu'une façon d'en avoir le cœur net. Après tout, peut-être avait-il survécu ? Il avait l'air d'hésiter lui aussi. « Vous.. vous êtes... vous ? Enfin je veux dire, vous êtes celui qui m'a sauvé d'une... meute de loups, non ?... » Elle n'était une toute petite pouliche lorsqu'elle s'était faite poursuivre par des canidés mais pourtant ce souvenir était resté profondément ancré en elle. Un étalon l'avait sauvé, un étalon qui ressemblait plus que fortement à celui qui se dressait devant elle. C'était lui, elle en était presque certaine.

Elle semblait hésiter, elle aussi. Elle semblait chercher, elle essayait de se souvenir. Comme lui. Il fouillait dans sa mémoire. Mais pourtant, s'ils étaient deux à tenter de se souvenir, c'est qu'ils ne se trompaient pas. La question de la pouliche le fit sourire ; un sourire doux et naturel. Incroyablement serein et sage. Il fit un pas vers elle. Il la dominait de toute sa hauteur ; elle semblait si frêle avec ses petits membres fins et son corps chétif à côté de l'étalon puissant et massif. Il secoua ses crins puis les laissa retomber à droite de son encolure, plantant son regard brillant de malice dans celui de la pouliche.

« - Oui. C'est bien moi. Il me semble que nous n'avions pas eu le temps de nous présenter, alors. Je m'appelle Smilest Fuhl, mais tu peux m'appeler Smile. »

Il sourit, tranquille, étrangement calme. Il s'ébroua, puis fit quelques pas de côtés. Il se souvenait parfaitement d'elle, à présent. Il l'avait à peine entendu arriver, ce jour-là. Elle avait déboulé en trombes, furieusement pressée. Il s'était alors demandé ce qu'elle fuyait ainsi quand il les avait vu. Ils étaient cinq, peut-être six, lancés derrière cette pauvre pouliche inoffensive. Injustice. Il n'avait alors pas hésité. Il avait à peine croisé le regard de la petite, partant dans le sens d'où elle venait et bifurquant juste sous le nez des loups dans un sentier abrupt. Les canins, déstabilisés, l'avaient alors suivit. Il avait sauvé la pouliche. Ne l'avait jamais revu. Mais l'avoir sauvé lui avait suffit.