[ Elle me dit. ] libre.

Elle les entendait chanter. Etait-ce vraiment eux ? Etait-ce les coquillages qui chantaient cette douce mélodie qui ressemblait au chant de l'océan ? Kamylle n'en savait rien, et se laissait bercer, les yeux fermés, en avançant dans le sable.

Toute la nuit, j'avais erré dans ce qui me semblait être les terres de Sedna. Des terres bien étranges, pour tout dire, mais c'était bien ce qui en faisait tout leur charme. Je n'étais là depuis à peine 24 heures, et je n'étais pas certaine de faire confiance à tout ces nouveaux lieux qui m'étaient encore trop étrangers pour que je puisse prétendre les connaître. La nuit s'était annoncée calme et silencieuse, comme à son habitude. J'en avait d'ailleurs profité pour faire ma ronde habituelle, sans réellement s'avoir où je me rendais cette fois. Mais inévitablement, toute bonne chose à une fin.

Lentement mais surement, des reflets violacés se mirent à éclairer le ciel, chassant progressivement la noirceur du crépuscule. Prenant un pas silencieux mais régulier, je pris le trot vers un endroit que je n'avais encore jamais parcourus. Un endroit nouveau, que j'allais visiter pour la première fois. À moins que je ne m'égare, ce chemin ne me disait rien. Les arbres laissèrent place à un espace plus dégager, où quelques petits arbustes se tenaient à quelques rares endroits. Puis tout à coup, je m'arrêta brusquement devant une place blanchâtre. Regardant le magnifique décor, je ralentis mon allure et pris le pas dans le sable toujours chaud, profitant du moment.

Fermant les yeux, je dilata mes naseaux afin de me relaxer au maximum. La plage semblait s'étendre à perdre de vue, je ne me souciais donc aucunement de rencontrer quelqu'un à une heure aussi tôt. Et pourtant, une odeur parfumée, semblable à celle d'une jument, me parvins jusqu'aux naseaux. Ouvrant brusquement mes yeux noirs, je m'arrêta avant de jeter mon regard devant moi. Une Cérès. Plaquant mes oreilles contre mon encolure en signe d'exaspération, je me tournais brusquement vers la mer et m'avança vers celle-ci, comme si je n'avais pas vue la jument. Relevant mes oreilles, je m'arrêta lorsque mes deux antérieurs touchèrent la surface de l'eau, toujours indifférente à l'inconnue. D'étranges chansons me parvenaient aux oreilles...

Cérès, Sedna, Eris. A quoi rimaient ces clans ? Ils n'avaient aucune importance pour Kamylle. Elle faisait partie des Cérès, oui, parce qu'ils lui convenaient le mieux. Mais après ? Elle le défendrait, mais ce n'est pas pour ça qu'elle allait agresser les autres appartenant aux deux autres tribus. Elle avançait toujours, les yeux fermés. Elle n'essayait plus de savoir d'où la douce musique provenait, et se contentait d'écouter les voix de la nature qui la berçaient. Ses sabots ne produisaient aucun bruit dans le sable qui semblait s'écarter à son passage. Elle huma l'air et soudain, sentit dans l'air salé une senteur inconnue. Elle pila net et tourna la tête.

Arrête de flipper comme ça, elle va pas te bouffer, s'ordonna-t-elle en posant ses grands yeux ambrés sur la jument blanche qui se tenait là-bas dans l'eau. Fallait-il aller la voir ? Ne pas aller la voir ? La saluer ? L'ignorer ? Kamylle ne savait pas, elle ne savait plus. Elle avait oublié comment se comporter. Elle avait oublié comment vivre. Elle déglutit, un peu intimidée, et décida de prendre son courage à deux mains. D'un pas décidé bien que farouche, elle changea alors sa trajectoire pour aller vers l'inconnue. A encore plusieurs mètres, comme il ne semblait y avoir aucune réaction, l'alezane hennit doucement, d'une voix fragile mais claire, s'arrêtant complètement. Elle était maintenant debout, immobile, ses yeux rivés sur l'inconnue, dans la quête d'une quelconque réaction. Si cette dernière voulait de sa compagnie, tant mieux. Si ce n'était pas le cas, Kamylle s'en irait simplement. C'était pas compliqué.

Plus je prenais le temps de me calmer, plus je semblais percevoir facilement les douces mélodies qui me provenaient de la plage. J'ignorais qui chantais comme cela, mais les chants semblaient émanez du sol, comme s'il s'agissait du sable ou des nombreux coquillages qui perlaient sur l'étendue dorée du sable. Fermant mes yeux d'ébènes, tout autour de moi semblait s'embrouiller, comme si la chanson provoquée par les coquillages m'hypnotisait. Les doux bruits de l'eau, le clapotement des vagues, tout semblait soudainement m'apaiser. Soupirant de détente, je m'évadais dans mon esprit, oubliant tout autour de moi...

Lorsque brusquement, je revins à mes esprits. Une voix douce et fragile me parvint aux oreilles, presque cristalline. Clignant des yeux, je resta dans la même position quelques secondes, à regarder les reflets de la mer. Puis retournant finalement mon regard vers la silhouette alezane qui se tenait à quelques pas de moi, je la détailla un bref instant avant de finalement me tourner entièrement vers elle, la regardant d'un regard neutre, presque trop neutre. J'ignorais quelle impression avoir d'elle, puisque j'étais d'aptitude solitaire à ne pas aimer grandement la compagnie. Mais pourquoi juger sans connaître ? Réalisant que j'étais en train de la fixer, je cligna des yeux, un rictus se dessinant sur mes lèvres. Après tout, pourquoi pas...

La jument grise se retourna alors, et Kamylle attendit, le cœur battant. Elle se fit dévisagé, et dû détourner ses yeux d'ambre, incapable de regarder la jument en face tant celle-ci la fixait. Mal à l'aise, Kamylle attendit alors. Attendit quoi ? N'importe quoi. Une réaction, un signal, un mot, un geste, n'importe quoi. Enfin, elle discerna un infime mouvement et elle tourna alors de nouveau la tête vers la jument inconnue. Celle-ci avait un léger sourire sur les lèvres. Kamylle s'autorisa un soupir de soulagement, et fit un nouveau pas vers elle, la fixant à son tour, avec quand même moins de détermination que l'autre l'avait fait. « - Bonjour... je m'appelle Kamylle. »

Le visage de l'inconnue se tourna vers moi, et je pus y voir une lueur de soulagement. Il est vrai que je ne devais pas être la compagnie la plus agréable, peut-être même que je paraissais quelque peu asociale. Mon regard maintenant légèrement plus détendu mais toujours aussi froid, j'hésita à reculer lorsqu'elle s'avança à nouveau vers moi mais je demeura dans la même position. La regardant sans toutefois la fixer, un soupir de soulagement me parvins aux oreilles, ce qui me fis rire intérieurement. Non pas que je riais d'elle, mais disons qu'il s'agissait plutôt de mon comportement. La laissant me fixer, je l'observa s'approcher un moment avant de répondre à mon tour, d'une voix qui sonnait froide, distante : « Enchantée. Je suis Apologize. »

Son "enchanté" sonna mal, faux, brusque. La jument ne sut qu'en penser ; déjà qu'elle n'était pas à l'aise avec les inconnus... Elle garda le silence un long moment, reposant ses grands yeux sur l'étalon, pour finalement répondre : « - Enchantée aussi. »